Christopher Weissberg, député des Français d'Amérique du Nord et porte-parole de Renaissance, a sillonné sa circonscription en van de fin juillet à mi-septembre. Première étape Las Vegas, dernière Vancouver. Il raconte son aventure à Paris Match et ses enseignements.
Paris Match. Comment est né ce projet ? Christopher Weissberg. Depuis longtemps, je me disais que sur une circonscription comme celle-ci, qui n’a pas la taille d’une circonscription française classique (ce sont les États-Unis et le Canada, NDLR) il fallait absolument faire un road trip. Habituellement les députés traitent les grosses communautés : Montréal, le consulat à New York, celui à San Francisco… Vous ratez ce qu’il y a de presque plus intéressant, c’est-à-dire les gens qui ont des histoires, qui amènent la France, qui ont un lien avec la France ailleurs que là où il y a déjà une présence française au consulat.Je me suis dit que j’allais utiliser l’été pour aller en circonscription et essayer d’y monter un projet qui raconterait l’Amérique, du regard de ces Français qui sont dans des coins assez différents. Ceux que je rencontre d’habitude sont dans des endroits très démocrates, très souvent complètement acquis au candidat démocrate. En allant à l’extérieur des centres culturels cosmopolites, en allant dans cette Amérique un peu différente, on rencontre des Français qui vous racontent les contradictions et la société américaine telle qu’elle est aujourd’hui, qui fait que le pays est très divisé.
Quels sont les profils rencontrés ? Comment avez-vous sélectionné ces gens parmi vos 240 000 administrés ?
C’est probablement beaucoup plus que 240 000 car il y a plein de gens qui ne sont pas inscrits au consulat. Ça va de l’éleveur français qui a importé des vaches gasconnes dans le Nevada jusqu’au joueur de basket Tarik Abdul Wahad qui est là depuis 25 ans et vit en Américain avec un regard très français sur ce qu’il se passe à la fois aux USA et en France. Pour les trouver, c’est un peu le bouche-à-oreille, la curiosité de parler aux uns et aux autres… Il y a aussi des gens qui m’ont écrit. Il faut sortir des sentiers battus. Ce sont toujours les mêmes personnes qu’on voit quand on va dans nos réunions de Français de l’étranger. Généralement, il y a des gens qui vont aux réunions, qui vont voir le maire et il y a tout ceux qui font leur vie de leur côté, qui au fond ne se sentent pas très concernés mais quand on va un peu les chercher, on se rend compte qu’ils ont plein de choses à apporter.
Quel est l’objectif final ?
Expliquer l’Amérique d’aujourd’hui qui est à un point de rupture depuis les années Trump. Il y a vraiment deux Amériques parallèles qui se construisent et qui s’auto-alimentent l’une contre l’autre. Il faut aller voir un peu le monde conservateur républicain pour comprendre d’où ça vient. Le regard des Français est très intéressant, ils ont le recul que les Américains n’ont pas. Je pense que c’est aussi intéressant d’avoir le regard des Français des États-Unis sur la France.
Qu’avez-vous repéré dans votre circonscription que l’on pourrait appliquer en France ?
Prenons l’exemple de la politique publique autour du cannabis. Aux États-Unis, la légalisation se fait au niveau étatique et non fédéral. Il y a plein de systèmes différents. Sur le cannabis, et la drogue en général, j’aurais beaucoup de choses à dire au ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, suite à ce voyage. Je pense que le système québécois est le plus inspirant pour la France : ils ont nationalisé un monopole. Ils ont fait avec le cannabis, comme avec l’alcool. Ils ont aussi une vraie politique de santé publique sur le sujet. Ce n’est pas comme dans certains États américains où on a l’impression qu’on peut acheter un joint à chaque coin de rue. C’est très encadré. Ils sont en train de lutter assez efficacement contre le marché noir et de décriminaliser tout un secteur qui était extrêmement violent.
La classe politique française est très largement en train de s’inspirer de ce qu’il se fait de pire aux États-Unis
Concernant le Fentanyl, qui fait des ravages aux États-Unis, qu'avez-vous observé?
C’est extrêmement inquiétant. Il y a une véritable épidémie des opioïdes et du Fentanyl en Amérique, c’est une catastrophe. Il y a aussi une importation massive de ces drogues-là par le Mexique et par la Chine. Je pense qu’il faut mieux se concentrer et être extrêmement virulent sur le trafic des drogues dures et créer un système encadré sur des drogues plus douces. Ne pas perdre notre temps avec ces drogues qui sont moins violentes d’un point de vue de la santé publique. Je dis ça sans angélisme.
Il y a d’autres sujets qui ont émergé ? Je vais pas mal travailler sur les discriminations, sur le rapport à la mémoire par exemple. En Louisiane dans les plantations, on se rend compte que les Noirs américains ne se sont pas approprié leur propre histoire. Les plantations, où se sont passées les pires atrocités pendant l’esclavagisme, ne sont pas des lieux de mémoire directement pour les Noirs américains. C’est très intéressant quand on pense à notre rapport aux questions mémorielles. Il y a un lien qui peut se faire assez facilement sur d’autres enjeux mémoriels en France avec le rapport à la colonisation et à la décolonisation. Plutôt que de déboulonner des statues, au contraire il faut que ces marques soient là. À Auschwitz, par exemple, le lieu essaye d’être fidèle à ce que les choses ont été. À partir de là, on construit une politique de mémoire. Si vous partez d’un débat politique sur l’Histoire vous arrivez aux aberrations qu’on est en train de voir aux États-Unis qui à mon avis sont en train d’être importées en France de façon très clientéliste. La classe politique française est très largement en train de s’inspirer de ce qu’il se fait de pire aux États-Unis. Cela me sidère…
Vous avez vécu cette aventure en van pendant vos vacances d’été ? Ce n’était pas du tout des vacances, pourtant c’était extrêmement dépaysant et intéressant. Au fond c’est aussi une manière de passer ses vacances. C’est plus marrant et moins fatigant que de lever la main dans l’hémicycle à 1 heure sur les retraites. Pour le van, c’est un Français de Las Vegas qui a monté une boite avec trois autres Français parce qu’il a remarqué que pendant le covid de nombreux cadres ont décidé de ne plus être sédentaires et de vivre sur la route. Il a créé ces bus très bien aménagés, totalement autonomes. L’électricité se charge avec des panneaux solaires. C’est très bien fait, ça permet de travailler tout en étant sur la route.
Avec qui êtes-vous parti?
Avec un collaborateur. Il filmait et nous montions le soir. D'ailleurs, nous avons beaucoup de matières, l’idée est de faire un film d’ici la fin de l’année. Je le connais depuis quelques années. Nous avons beaucoup travaillé ensemble notamment quand on a lancé En marche à Montréal. Je n’aurais pas fait ça avec n’importe qui. Ça demande une certaine proximité et d’apprécier l’autre.
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